Réflexions et perspectives sur la sculpture monumentale de Picasso à partir d’un document d’archive inédit
Diana Widmaier Picasso • 27 mars 2015
Diana Widmaier Picasso • 27 mars 2015
À l’occasion d’un texte récent sur le thème des œuvres inachevées que j’ai été invitée à rédiger pour le catalogue d’une exposition organisée par le Metropolitan Museum of Art, mes recherches m’ont conduite à m’interroger sur les projets monumentaux non aboutis de Picasso. Le dépouillement des archives du Museum of Modern Art m’a en effet permis de mettre au jour un document inédit qui ouvre de nouvelles perspectives sur la position de Picasso face au monumental. Il s’agit d’une lettre d’Alfred H. Barr, alors directeur du MoMA, au sculpteur Carl Nesjar, datant de l’année 1966 et qui fait référence au projet de Picasso d’agrandir l’une de ses sculptures en tôle découpée, Femme au chapeau (Cannes, 1961). Picasso avait dans l’idée d’en faire une tour dans laquelle les visiteurs auraient pu déambuler et expérimenter l’œuvre directement. Si le concept de sculpture habitée ou vivante est présent dans son œuvre, Picasso manifestait également un vif intérêt pour l’architecture. La réflexion de Picasso s’inscrit ainsi dans une dynamique générale de questionnement sur le monument et la monumentalité au xxe siècle, sur l’abandon de l’idée de mémoire et de commémoration, sur le refus du piédestal et l’utilisation de nouveaux matériaux. Il convient néanmoins de distinguer les deux approches : celle du sculpteur qui devient architecte ou urbaniste (Richard Serra, Niki de Saint Phalle ou Jean Tinguely), et celle de l’architecte qui s’inspire des conceptions plastiques et spatiales de la sculpture (Le Corbusier, Frank Gehry ou Steven Holl) – ce que l’on appelle sculpture-architecture d’une part, archi-sculpture de l’autre. La position de Picasso par rapport à ces deux concepts nous invite à nous attarder sur les artistes qui s’intéressent aux nouvelles possibilités offertes par l’architecture, et vice versa.
I recently wrote an essay on Pablo Picasso’s unfinished works for an exhibition organized by The Metropolitan Museum of Art, and my research lead me to ask the question of the unfinished large-scale projects of Picasso. While I was going through the archives of the Museum of Modern Art, I found an unpublished letter from Alfred H. Barr to Carl Nesjar, dated from 1966, which opens new perspectives on the reflection of Picasso’s monumental sculpture. It made reference to Picasso’s project to enlarge one of his cut-out metal sculptures, Woman with a hat (Cannes, 1961). He wanted to transform the sculpture into a tower where people would be able to walk inside and to experiment directly with the work. This idea of an inhabited sculpture is very present in Picasso’s work as his interest in architecture. Thus, his reflection places him on a more general approach to the question of monument and monumentality in the 20th century: the abandonment of the idea of memory and remembrance, the disappearance of the pedestal and the use of new materials. We can distinguish two categories: the sculptor who becomes an architect (Richard Serra, Niki de Saint Phalle or Jean Tinguely) and the architect who is inspired by the design and spatiality of sculpture (Le Corbusier, Frank Gehry or Steven Holl). In other words: ‘sculpture-architecture’ and ‘archi-sculpture.’ The intuition of Picasso for these two themes invites us to differentiate the artists interested in the possibilities given by architecture and vice versa.
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Diana Widmaier Picasso est historienne de l’art, spécialiste d’art moderne, vivant actuellement à New York et Paris. Après une maîtrise en droit privé à l’université Paris-Assas et une maîtrise en histoire de l’art à l’université Paris-Sorbonne, elle décide de se spécialiser dans les dessins anciens. Elle participe à plusieurs expositions muséales et devient expert en dessins anciens chez Sotheby’s à Londres et à Paris. Depuis 2003, elle prépare un catalogue raisonné des sculptures de Pablo Picasso avec une équipe de chercheurs. Elle est la petite-fille de Pablo Picasso et Marie-Thérèse Walter. Diana Widmaier Picasso est également co-commissaire de deux expositions majeures : « Picasso and Marie-Thérèse: l’amour fou » (Gagosian Gallery, New York, 2011) et « Picasso.mania » (Grand Palais, Paris, 2015-2016).
Diana Widmaier Picasso is an art historian, specialized in modern art, currently living in New York and Paris. After a master’s degree in private Law (Paris-Assas University) and a master’s degree in Art History (Paris-Sorbonne University), she decided to specialize in old master drawings. She worked on several exhibitions in museums and later became an expert in old master drawings at Sotheby’s in London and Paris. Since 2003, she has been preparing a catalogue raisonné of the sculptures by Pablo Picasso with a team of researchers. She is the granddaughter of Pablo Picasso and Marie-Thérèse Walter. She is the co-curator of two major exhibitions: Picasso: L’Amour Fou (Gagosian Gallery, New York, 2011) and Picasso.mania (Grand Palais, Paris, 2015-2016).