Picasso et l’alchimie des matériaux

Claire Guérin et Charlotte Piot • 25 mars 2015

RÉSUMÉ/SUMMARY OF TALK

 

L’état alarmant des peintures d’aspect émail de Pablo Picasso de la collection de la Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte (Faba) dans les années 2000 conduisit à programmer un plan de conservation, afin notamment de surveiller les conditions de formation de réseaux de craquelures et de cristallisations. Pour approfondir nos connaissances sur les techniques du peintre et les matériaux qu’il avait employés, il fut procédé à l’inventaire et à l’étude de son matériel, conservé dans la même collection. L’état de ce matériel témoigne que Picasso avait besoin de le garder près de lui, comme il l’écrit à Kahnweiler en 1912, de l’utiliser, le réutiliser, peut-être en mélange et à des fins différentes. Vingt tubes de peinture chrysolithe émail, certains entamés, mêlés à des tubes de peinture à l’huile, ont pu être mis en relation avec des documents du Centre historique des Archives nationales (CHAN) – Musée national Picasso-Paris : deux notices et deux courriers de la société Aster en mars et avril 1949. Le développement de ce produit, censé pallier le phénomène d’oxydation de l’huile, rejoint le goût de l’époque pour les peintures émail et l’application de peintures industrielles aux intérêts artistiques. Surtout, il rencontre l’intérêt de Pablo Picasso pour ces deux sujets, ainsi que ses recherches sur des matériaux lui permettant d’obtenir effet vitrail, transparence, dureté, résistance, mais aussi de superposer des couches picturales sans mélange. Plusieurs flacons de vernis céramique à froid retrouvés parmi son matériel en témoignent, ainsi que plusieurs autres documents d’archives du Musée national Picasso-Paris. Boris Carnaut, ingénieur et gérant de Aster, modifia la formule de la chrysolithe en fonction des critiques de Picasso ; si celui-ci ne participa pas à l’exposition « Recherches nouvelles 1950 » (Paris, Galerie Doucet, 24 mars-15 avril 1950) sur ce produit, il conserva les tubes, marquant là son intérêt. Des comparaisons avec certaines couches picturales montrent des aspects identiques, mais seules des analyses permettront d’établir s’il l’a employé pour des peintures, seul ou en mélange ; la recherche des peintures exécutées par d’autres artistes pour l’exposition de 1950 et la réalisation d’éprouvettes en vieillissement artificiel faciliteront la mise en place de mesures de préservation.

The alarming state of Picasso’s enamel-like paintings in the Fundaciòn Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte (FABA) collection was, in the first decade of the 21st century, the catalyst for a new preservation plan. This plan included the careful monitoring of the conditions under which networks of cracks and crystallizations can form. To better understand Picasso’s painting techniques and the materials he used, we began an inventory and study of his supplies in the FABA collection. Picasso kept these artifacts close, as he wrote to Kahnweiler in 1912: he used them and reused them, perhaps in a mélange of mediums, or the same medium to different ends. Twenty paint tubes marked “chrysolythe émail présentation provisoire,” some of them used, all of them mixed among his oil paints, can be related to two sets of instructions for use, and two letters from the company ASTER, dated 1949, in the collection of the Centre Historique des Archives Nationales – Musée national Picasso-Paris (CHAN). The development of chrysolythe email, a polyvinyl acetate emulsion that was supposed to resolve the oxidation issue to which oil paintings are prone, joined the taste for enamel paintings characteristic of that era with the use of industrial paints for artistic purposes. It served Picasso’s concerns with these subjects as well as his research of stain-glass effect, transparency, hardness and durability, and most importantly, its capacity to be layered without coats mixing together. Several bottles of cold ceramic varnish testify to this, along with several documents archived at the Musée national Picasso-Paris. Boris Carnaut, engineer and ASTER manager, modified the formulation of chrysolythe according to Picasso’s feedback. Even though Picasso did not participate in the exhibition Recherches Nouvelles 1950–an exhibition devoted to ASTER new paints that  was organized by Carnaut and friend Jacques Fouquet, and which featured the works of Auguste Herbin, Roger Chapelain-Midy, Victor Vasarely or Boris Taslitsky–he kept the tubes, demonstrating his interest. Comparison between layers of a painting may reveal similarities, but it is only with scientific analysis that it can be established for certain whether Picasso used Chrysolithe or not, or whether he mixed it with other paints. Research conducted on paintings produced by Picasso’s contemporaries for the exposition in 1950 and artificially aging samples taken from the tubes will facilitate the implementation of conservation plan.

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RevoirPicasso-2015_J1_C.Guérin et Ch.Piot

BIOGRAPHIES

 

Conservateur-restaurateur de peintures à l’Atelier du bac, Claire Guérin travaille pour des collections particulières. Diplômée en 1994 de la maîtrise de sciences et techniques (MST) de conservation et restauration des biens culturels, spécialisation en peintures de chevalet, de l’université Paris I – Panthéon-Sorbonne. Diplômée en 2004 du master 2 (DESS) en conservation préventive des biens culturels, université Paris I – Panthéon-Sorbonne. Depuis 1994, elle s’occupe de la conservation préventive de la collection de Bernard Ruiz-Picasso et de Christine Ruiz-Picasso ; et depuis 2002 de la collection de la Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte (Faba) et de la conservation et restauration des prêts à long terme des collections Bernard Ruiz-Picasso, Christine Ruiz-Picasso et Faba, au Museo Picasso Málaga. Depuis 2009, elle est consultante en conservation préventive pour le Museo Picasso Málaga. Elle intervient régulièrement dans le cadre de la formation permanente de l’Institut national du patrimoine (INP).

As a painting conservator for the Atelier du Bac, Claire Guérin works for private collections. She graduated in 1994 with a Master’s in preservation and conservation of cultural goods (MST), specializing in easel painting from Paris I Panthéon-Sorbonne. She also earned her DESS in preventive conservation for cultural goods in 2004 from Paris I Panthéon-Sorbonne. Since 1994, she has been in charge of the preventive conservation of the Bernard Ruiz-Picasso and Christine Ruiz-Picasso collection, and since 2002, the Fundaciòn Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte (FABA) collection, as well as the preservation and conservation of the long-term loans of these three collections at the Museo Picasso Malaga. She has worked as consultant for preventive preservation since 2009 for the Museo Picasso Malaga. She regularly participates and coordinates trainings for continuing education with INP and others.

 

Charlotte Piot est, depuis mai 2015, régisseur des expositions au Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Après des études en histoire de l’art et archéologie (maîtrise sur « Alessio Baldovinetti, artiste ou artisan ? » et DEA sur « Eugène Piot, amateur d’art et collectionneur ») et en lettres modernes, elle intègre en 2002 la société Chevalier Conservation comme assistante puis responsable des relations musées et institutionnels ; elle obtient en 2004 le master II de conservation préventive des biens culturels de Paris I–Sorbonne (« De l’entretien à la conservation, un système pour préserver les tapisseries »). En 2009, elle rejoint le Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris, comme responsable du service de conservation préventive et de restauration. Elle encadre des étudiants en régie, en conservation ou en conservation-restauration, et intervient régulièrement à l’INP ou à la DGPAT.

Charlotte Piot has worked as exhibition registrar for the Petit Palais and Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris since May of 2015. In 2002, after her studies in Literature and History of Art, for which she focused on “Alessio Baldovinetti, artist or craftsman?” and “Eugène Piot, connoisseur and collector,” she worked at the Chevalier Conservation, initially as assistant and later was in charge of conservation for museums and other institutions. In 2004, she graduated from Paris I – Panthéon-Sorbonne in preventive conservation with a thesis entitled “From maintenance to preventive conservation: a system to preserve tapestries.” She joined the Palais Galliera, Musée de la Mode de la Ville de Paris, in 2009 as head of preservation and conservation. She regularly supervises students in collections management and conservation and participates in trainings with INP and DGPAT.

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