Retour d’expérience : l’usage du Ripolin dans les peintures de la collection du musée Picasso d’Antibes

Francesca Casadio et Jean-Louis Andral • 25 mars 2015

RÉSUMÉ/SUMMARY OF TALK

 

 

À l’invitation du conservateur du musée Picasso d’Antibes, Romuald Dor de La Souchère, Picasso va transformer une grande pièce du second étage du château Grimaldi en un atelier des combles, entre la mi-septembre et la mi-novembre 1946. Il y réalisera un important ensemble d’œuvres dont il laissera la majeure partie (vingt-trois peintures et quarante-quatre œuvres sur papier) dans les lieux à son départ. Cet ensemble sera présenté au public dès l’année suivante et deviendra le cœur de la collection du musée rebaptisé par la municipalité, en 1966, musée Picasso. La réalisation de ce corpus fut documentée par les clichés de l’homme à l’origine de la rencontre entre le conservateur et l’artiste, Michel Sima. Sur ses photos, on voit clairement que Picasso travaille avec des peintures industrielles en boîtes, et les archives du musée nous renseignent sur leur provenance, une droguerie marine d’Antibes. L’aspect même des peintures – avec des effets de marbrure, des plissements, comme des rides, en surépaisseur, un aspect lisse et brillant – témoigne bien de l’usage de peintures laques oléorésineuses. Et de fait les premières études et publications sur cette collection vont faire état de l’emploi de Ripolin (en tant que marque), dont on sait que Picasso était coutumier depuis le début des années 1910. Une campagne de travaux menée par les scientifiques de l’Art Institute de Chicago entre 2009 et 2011 a permis de préciser les résultats des premières recherches effectuées en 1982 et de montrer que contrairement à ce qu’on pouvait penser, les peintures industrielles utilisées par Picasso n’étaient pas, dans leur grande majorité, de la marque Ripolin, à l’exception d’un « blanc de neige », d’un « gris perle foncé » et d’un « vert romain clair ». En outre, on a pu aussi découvrir que les compositions des couleurs blanches employées permettaient une sorte de « chromologie » des œuvres, et donc de proposer une datation plus précise de leur réalisation. Enfin, à l’aide d’échantillons de peintures et d’un algorithme de recolorisation, des recréations numériques des états intermédiaires de La Joie de vivre photographiés en noir et blanc par Sima, ont permis de suggérer l’évolution rythmée de l’harmonie chromatique de ce tableau iconique de la collection d’Antibes.

Between September and November of 1946, at the invitation of the curator of the Musée d’Antibes, Dor de La Souchère, Picasso transformed a large room on the second floor of the Château Grimaldi into an attic workshop. There he realized a substantial body of work, the majority of which (a collection of 23 paintings and 44 works on paper) he left with the museum upon his departure from Antibes. This body of work was exhibited in the following year, and would become the heart of the collection of the museum that was eventually, in 1966, renamed the Musée Picasso-Antibes. The creation of this body of work was documented by the same man who facilitated the meeting between Picasso and de La Souchère: the photographer Michel Sima. In his images, we can clearly see Picasso working with industrial paint cans, the origin of which, we know thanks to the museum’s archives, came from a marine chemist in Antibes. The appearance of the paintings–their marbling, their wrinkle-like folds, the thickness of the paint to the point of excess, and their smooth and shiny surfaces–strongly indicate the use of oleoresinous lacquer paints. Furthermore, the first studies and publications of the collection make mention of the use of Ripolin brand paint, of which we know Picasso was a consumer since the beginning of the 1910’s. Research conducted by scientists at the Art Institute of Chicago between 2009 and 2011 allowed a more precise understanding of the results of initial studies dating back to 1982, and revealed that, contrary to previous notions, the industrial paints used by Picasso were not, for the most part, Ripolin brand paints. The only exceptions were his use of Ripolin’s blanc de neige, gris perle foncé and vert romain clair. In addition, the research revealed that the white paints used by Picasso could be analyzed to construct a sort of chronology of the works, and therefore offer a more precise method of dating their creation. Finally, with the help of paint samples and an algorithm for recolorisation, a mathematical recreation of the intermediary states of La Joie de Vivre based on the black and white photographs of Sima have allowed us to perceive a rhythmic evolution of the chromatic harmony of this iconic painting of the collection at Antibes.

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BIOGRAPHIES

 

Francesca Casadio a rejoint l’Art Institute of Chicago en 2003 pour développer et diriger un laboratoire de recherche en sciences de conservation du patrimoine. En tant que première titulaire du poste Andrew W. Mellon Senior Conservation Scientist de l’Art Institute of Chicago, elle est chargée d’organiser et de mener la recherche scientifique dédiée à l’étude et à la conservation des collections du musée. Francesca Casadio a obtenu son doctorat et son master en chimie à l’université de Milan en Italie. Depuis 2013, elle a également développé un nouveau centre de recherche, le Northwestern University/Art Institute of Chicago Center for Scientific Studies in the Arts (NU-ACCESS) qu’elle codirige. Ce centre de recherche interdisciplinaire procure un accès sans précédent à des ressources scientifiques de pointe aux musées et institutions qui en sont dépourvus. En 2006, Francesca Casadio a reçu le prix d’argent L’Oréal « Art et Science de la Couleur » pour récompenser sa contribution innovante au croisement des thématiques de l’art et de la science liées à la couleur.

Francesca Casadio joined the Art Institute of Chicago in 2003 to establish and direct a state-of-the-art conservation science laboratory. As the Museum’s first A.W Mellon Senior Conservation Scientist, she is in charge of planning and carrying out scientific research in support of the preservation and study of the Museum’s collection. She received her PhD and MS degrees in Chemistry from the University of Milan, Italy. Since 2013, Dr. Casadio has also established and co-directs the Northwestern University/ Art Institute of Chicago Center for Scientific Studies in the Arts (NU-ACCESS), an interdisciplinary research center that provides unprecedented access to advanced scientific capabilities for museums and institutions that do not have such facilities in-house. In 2006 Dr. Casadio was awarded the L’Oréal Art and Science of Color Silver Prize for distinguished contributions to the creative meeting of science and art through color.

 

Après avoir été conservateur au musée d’Art moderne de la Ville de Paris (1990 et 2001), Jean-Louis Andral, a été nommé en 2002 conservateur en chef du musée Picasso à Antibes. Il y a d’abord mené le chantier de rénovation du château Grimaldi. À l’occasion de la fermeture du bâtiment au public, entre 2006 et 2008, il a débuté des travaux de conservation préventive sur les œuvres majeures de la collection qui se sont poursuivis, entre 2009 et 2011, par une campagne d’études des peintures utilisées par Picasso à Antibes réalisée par l’équipe scientifique de l’Art Institute de Chicago. Il a par ailleurs organisé plusieurs expositions consacrées à Picasso : « Picasso, l’ère du renouveau, 1945-1949 » (2009), « Une moderne Antiquité : Picasso, De Chirico, Léger, Picabia » (2012, en partenariat avec le J. Paul Getty Museum, Los Angeles), « Picasso Côte d’Azur et Picasso dans la collection Nahmad » (2013, en partenariat avec le Grimaldi Forum, Monaco).

Jean-Louis Andral was curator at the Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris between 1990 and 2001. In 2002 he was nominated Chief Curator of the Musée Picasso à Antibes. There, he immediately undertook a significant renovation and modernization project for the Château Grimaldi. On the occasion of the building’s closure to the public between 2006 and 2008, he also coordinated an extensive campaign of preventive conservation for the most important works in the collection, followed, between 2009 and 2011, by a campaign of scientific analysis of the paints used by Picasso in Antibes led by the scientists of the Art Institute of Chicago. He has curated several exhibitions dedicated to Picasso’s work, including: Picasso, l’ère du renouveau, 1945-1949 (2009), Une moderne Antiquité: Picasso, De Chirico, Léger, Picabia (2012, in collaboration with the J.Paul Getty Museum, Los Angeles), Picasso Côte d’Azur and Picasso dans la collection Nahmad (2013, in collaboration with le Grimaldi Forum, Monaco).

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