Picasso en Russie

Gérard Conio  • 26 mars 2015

RÉSUMÉ/SUMMARY OF TALK

 

Mon intervention porte sur la réception de Picasso en Russie, en m’inspirant de Picasso et alentours, un livre d’Ivan Axionov paru à Moscou aux éditions de la Centrifugeuse en 1917 et qui constitue la première publication mondiale d’un livre consacré à Picasso. On peut affirmer que, sans Picasso, il n’y aurait peut-être pas eu d’avant-garde russe, qui s’est constituée à partir du choc reçu par les futurs coryphées de ce courant, quand ils ont découvert les tableaux de l’inventeur du cubisme dans les collections de Sergueï Chtchoukine et Ivan Morozov. Ivan Axionov a écrit son livre en réaction contre les pamphlets de Nicolas Berdiaev et Serge Boulgakov, philosophes d’inspiration religieuse qui accusaient la peinture cubiste de dénaturer la figure humaine. Tout en reconnaissant que Georges Braque a été le véritable inventeur du cubisme, Axionov considère que la peinture de Picasso était « beaucoup plus forte », ce qui explique son impact sur les jeunes artistes russes. Se plaçant uniquement sur le terrain de la peinture pure, Ivan Axionov a montré à la fois la vision nouvelle apportée par Picasso et ses liens avec le grand art du passé, notamment avec Le Greco. Mais je m’attacherai surtout dans mon exposé aux aspects contradictoires de l’influence de Picasso sur « l’art de gauche » en Russie, dans les années qui ont précédé la révolution. Bien qu’aucun des peintres de ce courant ne soit resté insensible à un nouveau système pictural qui rompait avec la figuration, la plupart se sont démarqués de cette influence pour affirmer leur voie propre vers l’abstraction. C’est le cas de Mikhaïl Larionov dont le rayonnisme s’inscrit dans le prolongement de l’impressionnisme et de Vladimir Tatline qui, après avoir subi l’empreinte du cubisme, s’en est libéré pour fonder le constructivisme, avec ses contre-reliefs, inspirés pourtant par les œuvres qu’il avait pu voir dans l’atelier de Picasso, lors de son fameux voyage à Paris. Mais c’est Kazimir Malévitch qui, dans sa théorie comme dans sa pratique, a tiré la leçon la plus convaincante des innovations cubistes dont il avait trouvé le modèle dans la peinture de Picasso.

My talk covers the reception of Picasso in Russia and is inspired by Picasso et alentours, a book by Ivan Axionov, published in Moscow by Les Editions de La Centrifugeuse in 1917, making it the first global publication of a book on Picasso. Without Picasso, there arguably might not have been an avant-garde Russia, which was formed in part due to the shock received by the future leaders of the mouvement when they discovered the paintings of the inventor of Cubism in the collections of Chtchoukine et Morozov. Ivan Axionov wrote his book in reaction to the pamphlets of Nicolas Berdiaev and Serge Boulgakov, religiously-oriented philosophers who accused Cubist paintings of perverting the human figure. While acknowledging that Braque was the real inventor of Cubism, Axionov considered the paintings of Picasso to be much stronger than Braque’s, which explained his impact on young Russian artists. Focusing on the field of pure painting, Ivan Axionov showed both the new vision that Picasso provided, and his link to the great art of the past, especially with El Gréco. However, for this talk I will focus in particular on the contradictory aspects of Picasso’s influence on “leftist art” in Russia in the years preceding the revolution. Although none of the painters of this movement remained unaffected by a new pictorial system that broke with figuration, the majority distanced themselves from the influence of Cubism in an attempt or in order to assert their own path to abstraction. This was the case for Larionov, who’s Rayonism was an extension of Impressionism, and for Tatline who, after having suffered under the influence of Cubism, breaks away from it to found Constructivism, whose counter-reliefs were, nevertheless, inspired by the works he had been able to see in the studio of Picasso during his famous trip to Paris. But it is Malévitch who, in theory and in practice, drew upon the innovations of Cubism, of which he found a model in the painting of Picasso, the most.

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RevoirPicasso-2015_J2_G.Conio

BIOGRAPHIE/BIOGRAPHY

 

Agrégé de lettres modernes, Gérard Conio est auteur d’un doctorat de 3e cycle (« Sources françaises et références occidentales dans la poésie russe de 1892 à 1930 ») et d’un doctorat d’État (« Crise des valeurs et renouvellement des modes d’expression dans la vie culturelle russe de 1892 à 1930 »). Après plusieurs années de lectorat dans les universités de Lodz, Almaty (Kazakhstan), Odessa (Ukraine), Bratislava (Slovaquie), il enseigne à l’université de Besançon puis de Nancy-II où il est responsable de la section de russe et de serbo-croate et directeur du Centre de recherches sur les cultures littéraires européennes (Cercle). En 2002, il est professeur émérite. Traducteur de nombreux auteurs russes (Tchitcherine, Rozanov, Tchoukovski, Khardjiev, Trenine) et polonais (Karpinski, Wat, Witkiewicz), il est également auteur de nombreux articles et de plusieurs ouvrages, dont, aux éditions de l’Âge d’homme : L’Art contre les masse : esthétiques et idéologies de la modernité, Le Formalisme et le futurisme russes devant le marxisme, Le Constructivisme russe (2 vol.), La Vision russe de l’Occident, Du goût public : nouveaux essais sur l’art, Les Avant-gardes entre métaphysique et histoire : entretiens avec Philippe Sers ; et aux éditions In-Folio : Eisenstein : le cinéma comme art total.

A professor agrégé of modern literature, Gérard Conio has written two doctoral theses, one entitled “French Sources and Western References in Russian Poetry from 1892-1930” and the other, “Crisis of Values and Renewed Mode of Expression in Russian Culture from 1892 to 1930.” After multiple years lecturing in the universities of Lodz, Alma-Ata, Odessa, and Bratislava, he was a professor at the Université de Besançon and the Université de Nancy II, where he was head of the Russian and Serbian-Croatian departments and the Director of CERCLE (Center for the Study of European Literary Culture). In 2002 he was made professor emeritus. Translator of a number of Russian authors, including Tchitchérine, Rozanov, Tchoukovski, Khardjiev, Trénine, and Polish authors Karpinski, Wat, Witkiewicz, he is also the author of numerous articles and multiple works, including: L’Art contre les masses / Esthétiques et idéologies de la modernité; Le futurisme et le formalisme russes devant le marxisme; Le constructivisme russe (2 vol.); La vision russe de l’Occident; Du goût public; Les Avant-gardes entre métaphysique et histoire, entretiens avec Philippe Sers; and in the In-Folio Editions: Eisenstein, le cinéma comme art total.

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